J'ai très envie de parler musique, aujourd'hui. Comme tous ceux qui me connaissent personnellement, la musique est une de mes deux plus grandes passions, avec l'écriture. J'ai d'ailleurs mêlé la pratique de ces deux arts durant toute ma jeunesse en écrivant essentiellement les textes des morceaux que je composais, bien avant de me lancer dans l'élaboration d'ouvrages littéraires. Plutôt éclectique, le rock et le métal ont toutefois pris une place centrale au sein de mon spectre musical, et Linkin Park fut le premier groupe que j'ai pu découvrir. Des guitares saturées, des rythmes sobres mais ultra-efficaces, des mélodies mélancoliques et entêtantes, un brin de hip-hop, des textes résonnant auprès de beaucoup de jeunes en souffrance dont je faisais partie, et puis une voix comme il en existe rarement, celle d'un certain Chester Bennington. Capable de dévoiler à la fois une grande fragilité et une rage dévorante, d'une puissance impressionnante, et d'un répertoire vocal semblant sans limite ; Mike Shinoda (leader et principal compositeur du groupe) avait trouvé sa pépite. Mais le passé chaotique du chanteur ne l'eut jamais quitté, empoisonnant son existence de manière chronique, parfois très intensément, le plongeant dans des phases dépressives particulièrement lourdes, le tout accompagné d'addictions toxiques dont il n'est jamais parvenu à se libérer. Cette souffrance, terrible et éprouvante, a nourri les textes, l'atmosphère et l'identité de Linkin Park, mais le combat que menait Chester avec lui-même a trouvé une fin tragique... En effet, le 20 juillet 2017, le chanteur presque iconique du groupe a été découvert mort pendu, à son domicile, à l'âge de 46 ans. Un choc atroce pour des millions de personnes ayant grandi bercés par cette voix unique.
CONSTRUIRE UN APRES
Au moment de la mort de Chester Bennington, le groupe n'était pas au mieux de sa forme. Les deux derniers albums furent décriés dû à un virage électro/pop détonnant, et beaucoup des fans de la première heure, dont j'étais, quittèrent le navire. Quelques mois avant le drame, le groupe fut copieusement sifflé durant leur performance au Hellfest Festival de Dijon, lançant des projectiles sur la scène et offrant des multiples doigts d'honneur au visage du chanteur. Puis vint le choc. Linkin Park mourut avec Chester, brutalement, douloureusement. Pour ma part, l'annonce de cette nouvelle m'avait particulièrement touché et perturbé, étant moi-même dans une phase dépressive et de rupture sentimentale extrêmement douloureuse à ce moment-là. Chester avait fait partie de mes héros ayant sublimé mon adolescence catastrophique. Voir disparaitre l'une de ses idoles de jeunesse est une expérience délicate et amer. Je pensais que si même un homme vivant très confortablement de sa musique, ayant des amis, une épouse, une multitude d'enfants, de nombreux projets et laissé un tel héritage auprès de millions de personnes pouvait en venir au suicide... alors peut-être n'y avait -t-il pas d'autre issue ? Par chance, j'ai pris une voie différente par la suite, celle de l'espoir, de la remontée, du dépassement de soi, du départ, puis du chemin vers la guérison. Mais rarement j'aurais pu éprouver autant de peine et de sombres pensées des suites de la mort d'un artiste ou plus largement d'un individu que je ne connaissais pas personnellement.
A mes yeux ainsi que pour beaucoup, Linkin Park s'écrivait au passé, et malgré quelques tentatives de Mike Shinoda afin de faire revivre la machine, l'aventure semblait achevée pour de bon, rangée au musée de la magie disparue. Soudain, contre toute attente, une nouvelle arriva. Linkin Park était bien vivant, et de retour pour un nouvel album, une nouvelle tournée, un nouveau morceau en exclusivité, un nouveau batteur, un nouveau guitariste, et... une nouvelle voix. Curieux, je me suis alors avancé. J'ai découvert avec une joie indescriptible la dénommée Emily Armstrong. D'une puissance furieuse, d'une énergie époustouflante, je l'ai vue enchainer les classiques du groupe avec un enthousiasme et une maitrise remarquables, apportant un nouveau souffle, un vent de fraicheur innattendu. Puis ce nouveau titre, "Emptiness Machine", du pur Linkin Park au meilleur de sa forme, accrocheur, à la production léchée, et cette voix terrassant tout sur son passage, continuant l'oeuvre de Chester avec panache, laissant présager de belles années pour une formation que je pensais morte et enterrée. Quel magnifique message qu'écrit Mike Shinoda au livre de son histoire, et auquel nous pouvons tous transposer dans nos propres existences. La mort n'est pas la fin. C'est une blessure. Une blessure que nous pouvons surmonter et sublimer. Avancer, tout en respectant l'héritage, les souvenirs de l'être aimé. Le porter avec nous durant cette aventure qui continue malgré l'absence, malgré le manque, malgré la douleur déchirante, parfois. Tant que la vie existe, alors il faut continuer. Ne jamais arrêter d'avancer.
LES CRITIQUES, ENCORE ET TOUJOURS
Bien entendu, face à ces annonces et la révélation d'Emily Armstrong, les critiques, parfois acerbes et aigries, ne se sont pas faites attendres. Nous sommes en 2024, cela va de soi... Sur les réseaux sociaux, la chanteuse a alors découvert les joies du harcèlement virtuel, du bashing, des polémiques inutiles, afin de bien gâcher son bonheur de se voir porter le micro au sein d'un groupe qu'elle écoutait en boucle durant ses années lycées. Ce qui lui est reproché ? D'abord de vouloir remplacer Chester Bennington, car cela serait un manque de respect. En quoi chercher à faire vivre un projet aussi ambitieux et populaire, après sept ans d'absence, serait irrespectueux ? Lorsqu'un être décède, plus rien n'a le droit de vivre ? Alors mourrons tous ensemble, dans ce cas ! L'absurdité ne cessera jamais de me fasciner... La seconde raison est son lien avec la scientologie. Tom Cruise fait également partie de cette mouvance, cela ne semble pas choquer davantage. Pourquoi ce serait différent avec elle ? Ses croyances sont ses croyances, elle est libre de penser de ce qu'elle veut et vivre de la manière dont elle le souhaite. Ce n'est pas parce qu'elle est chanteuse qu'elle doit davantage de justifications que n'importe qui d'entre nous. La troisième raison est son présuposé soutien envers un ancien ami ayant été condamné pour agressions sexuelles envers plusieurs femmes. La polémique a tellement enflé qu'Emily Armstrong a dû réagir, expliquant qu'elle avait témoigné durant le procès en tant qu'ancienne amie, afin d'apporter des éléments, sans toutefois cautionner les actes reprochés à ce dernier ni en faire l'éloge d'aucune façon. Faut-il être condamné pour les agissements des personnes que nous fréquentons ou avons pu fréquenter ? Les gens, un cerveau, ça s'utilise ! Merci de votre compréhension !
Cette manie de tout dénigrer, de chercher les poux, de s'offusquer pour la moindre petite tâche, est une habitude de notre époque que j'exècre particulièrement. La liberté d'expression est devenue un tapis sur lequel se déverse toute la médiocrité la plus crasse de cette masse de gens bruyants, stupides, aigris et insupportables qui composent une partie de la population globale. Etre célèbre de nos jours doit être un calvaire ! Quoiqu'il en soit, ce nouveau visage qu'offre l'un des groupes les plus marquants des années 2000s est extrêmement encourageant. Le nouvel album sortira le 25 novembre prochain. Je l'achèterai. Je préfère faire partie de ceux accueillant le nouveau départ comme il est, sans renier ce qui a été, dans la logique continuité de ce qui doit vivre et évoluer malgré la perte. Bienvenue, Emily Armstrong !
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